Nous sommes ici au début du monde. Car le monde, sans l'écriture, est à peine un bout de monde. Le dessin du monde, le dessin du destin, commencent dans la glaise, palpée, modelée, malaxée, fendue. Surgit alors, dans l'instant, juste avant ou juste après, qu'importe, surgit la ligne. La trace sur des parois, d'abord rouge, puis ocre et bleu et bien sûr noire, trace de charbon, chaleur du trait, empreinte du reliquaire. Autre terre...cette fois désirée, cette fois labourée et semée.
Sylvie Sarrazin, Oil on canvas (huiles sur toile) |
Au début du monde, le trait et le point tracent et impriment la glaise, brute mais aérienne. Quelques rêves plus tard, comme une ligne de vie, une grammaire du fatum, l'homme cuit la glaise et l'orne de lignes, de couleurs et la signe d'incises.
Sylvie Sarrazin, Oil on canvas (huiles sur toile) |
Sylvie Sarrazin et Gustavo Perez devaient se rencontrer par ce geste de mains et ce souffle du cœur, comme un répons rituel, danse du creux et du plein, du cru et du cuit pour écrire chacun un alphabet de boue, langage de crasse sensuellement poli par le tressage des vagues.
Gustavo Pérez, Ceramic |
Les peintures de Sarrazin sont de glaise. Les céramiques de Perez sont de peinture. Les deux sont lignes-craquelures qui offrent et chantent la fragilité du monde.
Les deux œuvres célèbrent le fragile, le tendu jusqu'à l'extrême, l'arc devant la flèche, sans vitesse mais lourd de destin, sans vocation mais avec cible, sans volonté mais avec le tempo des notes essentielles, aria du désir, sonate du sensuel.. Le coup d'archet de ces deux démiurges, c'est le « duende », cet instant inquantifiable et tellement plein, incalculable et tellement juste. Fulgurance de la danse et de la course. Ce ciseau dans la terre et cet insecte dans le vent comme seul lexique pour couronner l'instant.
Il fallait que cette rencontre ait lieu. Elle s'immerge dans le silence comme un ventre de promesse dans un jardin de signes.
Voici deux potiers du murmure.
Xavier d'Arthuys
Novembre 2010
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